Vin Jacquère aux notes fraîches et florales, et Altesse aux arômes nobles et minéraux des terroirs d’Ayze et Jongieux

Les cépages indigènes, murmures du vivant

On ne comprend rien aux vins de Savoie si l’on ignore leurs cépages. Ici, les noms ne sont pas ceux que l’on croise ailleurs. La Jacquère, l’Altesse, le Gringet, la Mondeuse noire, le Persan, la Roussette… autant de variétés qui n’ont jamais cherché à séduire hors de leur territoire. Ce sont des raisins qui parlent de sol, de pente, de vent froid, de lumière crue.

La Jacquère, par exemple, ne cherche pas l’opulence. Elle évoque les pierres fraîches, les fleurs blanches et le citron vert. C’est un vin qui s’accorde mieux avec le silence d’une fin d’après-midi qu’avec le bruit d’un repas mondain. L’Altesse, plus noble dans l’aromatique, offre de belles matières et une salinité minérale rare, surtout dans les meilleurs terroirs d’Ayze ou de Jongieux.

Il faut aussi parler de la Mondeuse. Parfois rugueuse dans sa jeunesse, elle se tend vers une austérité vibrante, presque tellurique, quand elle est bien travaillée. Certains vignerons, comme ceux du cru Arbin, en font des vins de garde passionnants, où l’on retrouve les épices, les petits fruits noirs, la structure. Peu de régions ont encore ce lien aussi fort avec leurs variétés d’origine. Ici, la biodiversité n’est pas un mot, c’est un socle.

Mondeuse de Savoie : vin puissant et épicé du cru Arbin, reflet d’une biodiversité viticole authentique

Coteaux, calcaire et glaciers : une géologie vivante

Ce qui rend les vins de Savoie si uniques ne se résume pas à leurs cépages. Il faut descendre plus profondément, dans les sols. La géologie alpine est une mosaïque instable, née de mouvements violents entre plaques tectoniques. Cela donne des terroirs morcelés, fragmentés, où calcaire, marnes, schistes, argiles ou alluvions glaciaires se succèdent en quelques centaines de mètres.

Cette diversité offre au vigneron une palette rare. Certaines parcelles, exposées plein sud sur des éboulis calcaires, donnent des blancs salins et nerveux. D’autres, plus fraîches, en altitude, sur des moraines glaciaires, permettent de préserver l’acidité naturelle et d’allonger les fermentations. La pente, ici, est une contrainte autant qu’un guide. Elle impose la main, ralentit la machine, appelle la vigilance.

Les meilleurs domaines de Savoie sont ceux qui ont compris cela. Ceux qui travaillent par observation, qui goûtent leurs raisins plus qu’ils ne les pèsent. Ils savent que la vigne, ici, ne s’apprivoise pas. Elle se respecte. Chaque vendange est un équilibre fragile entre maturité et tension, entre concentration et buvabilité. Et cela se sent dans les verres.

Cave à vins de Savoie : découverte de bouteilles rares en direct des vignerons et marchés locaux alpins

Cave à vin savoyarde : conserver l’altitude

Constituer une cave à vin dédiée aux vins de Savoie, c’est accepter de sortir des sentiers battus. Ce sont rarement des bouteilles qu’on trouve en grande distribution, ni même dans les cavistes généralistes. Il faut chercher, fouiller, parler aux vignerons, fréquenter les salons alpins, les marchés des vallées.

Mais l’effort est récompensé. Une cave équilibrée devrait mêler blancs de Jacquère pour la fraîcheur, Altesse ou Gringet pour la complexité, et quelques rouges de Mondeuse ou de Persan pour la garde. Les effervescents, notamment ceux d’Ayze ou de Seyssel, sont à ne pas négliger. Ils rivalisent sans trembler avec certaines bulles champenoises quand ils sont bien faits.

Les vins de Savoie, bien conservés, évoluent admirablement. La minéralité se fond, les amers s’adoucissent, les arômes s’étoffent. En cave, ce sont des vins vivants, qui murmurent longtemps. Et contrairement à d'autres régions où la garde est une course à la puissance, ici c’est la finesse, la patience et la verticalité qui dominent.

Renouveau viticole en Savoie : jeunes vignerons, micro-domaines bio et biodynamie, et maisons prestigieuses comme Dupasquier

Des domaines en mouvement, entre discrétion et excellence

On pourrait croire que la Savoie viticole est figée dans le passé, que ses domaines sont familiaux, repliés, peu ouverts. C’était peut-être vrai il y a vingt ans. Mais aujourd’hui, la dynamique est palpable. De jeunes vigneronnes et vignerons reviennent, s’installent, reprennent, expérimentent. Les cuvées parcellaires se multiplient, les vinifications naturelles aussi, mais sans dogmatisme.

On voit fleurir des micro-domaines, souvent en bio ou biodynamie, qui n’hésitent pas à sortir des appellations pour raconter autre chose. Et les grandes maisons, comme le Domaine Dupasquier ou les frères Giachino, continuent à proposer des vins d’une précision remarquable. Il y a ici une diversité de styles qui témoigne d’une vitalité réelle, parfois même d’un certain feu intérieur.

Ce n’est pas une viticulture spectaculaire. C’est une viticulture de la retenue, de la justesse, de la cohérence. Le vin savoyard ne cherche pas à se faire remarquer. Il cherche à rester fidèle. Fidèle à ses pentes, à ses cépages, à ses vents froids et à ses matins clairs. Et c’est pour cela qu’il mérite qu’on l’écoute.

Avec Domaines & Violette, je m’efforce de rendre justice à cette région, à sa lenteur, à son relief, à sa profondeur. Ici, on parle peu, mais on goûte longuement. Les vins ne crient pas. Ils vibrent.

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